DOCUMENTS

EN FAVEUR DU NATURALISME LIBERTAIRE

Voici ce que dit très logiquement, à propos du sentimentalisme obligatoire en Anarchie, Jules Brauez, dans la « Société Nouvelle » (Bruxelles, avril 1895):

....... Les promoteurs de la « mise au tas » ont dû supposer pour la réalisation de cette théorie, qu'il suffirait de l'honnêteté chez chacun des membres du groupe. Erreur des plus dangereuses, car si chacun, pour rester honnête, suit les prescriptions de sa conscience, et si la conscience, relativement à la détermination du bien et du mal, n'est pas la même pour tous, on aboutirait à une conflagration générale. Puis, comment, par qui, selon quelle règle se fera le « rationnement des objets dont la production est restreinte » ? alors, que toute autorité et par conséquent toute règle est répudiée, ou ce qui revient au même, chacun n'a pour guide que sa conscience commune ?.....

.... En attendant, la doctrine anarchique, invincible quand elle expose les vices de l'organisation présente, est d'une extrème faiblesse pour ne pas dire d'une nullité absolue, dès qu'il s'agit d'établir sur une base indestructible la société future; aussi, ses zélateurs, malgré leur radicalisme, ont tenu compte de l'impossibilité de baser un pacte social sur une simple négation; ils ont subi la loi commune à toute théorie qui n'a pas la certitude pour elle: ils aspirent à remplacer cette théorie pour une autre se trouvant dans des conditions analogues. Ils ont promis, oubliant que, désormais, en théorie sociale, il faut savoir et non espérer. Le calculateur n'espère pas que tel chiffre ajouté à tel autre donnera tel résultat: il le sait. Il faut maintenant non plus promettre, mais affirmer, au moyen d'une démonstration défiant toute analyse....

Jules Brauez, dans la « Société Nouvelle » (Bruxelles, avril 1895)

Or, nous, au contraire des anarchistes scientifiques, nous avons la certitude — et nous le prouvons — de pouvoir vivre d’après la nature même; tandis qu’en effet, eux, se basent absolument sur l’espoir que tout être sera consciencieux, sentimental, fraternel en un mot; mais ils ont oublié ce point qui est d’importance capitale: c’est que tout être humain, de par la loi supra-naturelle — en général — d’essence égoïste, pense surtout à lui-même. La théorie communiste anarchique ne fait, en somme, que suppositions sur suppositions; crée chimères sur utopies — Rêves ! — tandis que l’état naturel représente un état de choses qui peut exister dès demain, sans aléas sérieux à redouter — Réalité !



George Sand décrit ainsi l’ère primitive:

..... Car il ne faut pas oublier, et en ceci je suis en désaccord avec les Modernes, que si l'homme arrivant nu et faible ici-bas, s'y fût trouvé immédiatement environné de fléaux considérables, de chances de famines, de froid intense et de bêtes féroces, ce serait un grand hasard qu'il eût pu survivre à tant de causes des destructions, surtout s'il était imbécile au point de ne pas connaître le moi et le non-moi, c'est-à-dire de ne pas se distinguer du précipice qui engloutit, du fleuve qui nois, et du tigre qui dévore. Pour qu'il aie pu vivre et couvrir la terre de sa race, il faut absolument qu'il soit né intelligent, et que son berceau ait été placé dans des contrées douces, aplanies, protégées contre les rigueurs des saisons, par des circonstances géographiques particulières, et dépourvues de ces animaux qui font la guerre à l'homme avec chance de succès...

(Evénor et Leucippe, pages 137, 138, 139.)

Ces lignes détruisent toutes les inepties colportées journellement par des ignares, et aussi par d’embrumés cerveaux soi-disant très avancés déclarant qu’aux premiers âges l’humanité, il existait batailles, guerres, chefs, prêtres, etc. Or, tout cela n’est qu’un épais tissu de mensonges propagés pour tenter de conserver l’autorité que quelques énergies attaquent chaque jour. Il ne faut point oublier, surtout, que quand ont commencé à apparaître guerres, chefs, prêtres, famines, rachitisme, ce n’était plus l’état naturel mais bel et bien de la pure civilisation.

Gearge Sans dit encore (page 32):

..... L'industrie humaine fait éclore, par la greffe et le croisement, des variétés de fruits, de fleurs et d'animaux que le jardin de l'Eden n'a point offert aux regards des premiers hommes; mais ces résultats de l'art (De l'artifice, dirions-nous. --- E. Z.) sont éphémères. Il faut les entretenir par les soins de la vie domestique, sinon la nature reprend ses droits; la plante et le bétail dégénèrent rapidement, la variété artificielle s'efface et ke type sauvage (C'est-à-dire naturel. --- E. Z.) reparaît dans toute sa puissance.

Est-ce assez concluant ? Certes, oui.


 

Enfin, Alfonse Karr s’exprime ainsi sur la nature:

..... Je ferai à l'homme un autre reproche: c'est qu'il est la seule espèce où l'individu est son propre ennemi. L'homme se price de lui-même de sommeil, se nourrit d'aliments qui abrègent sa vie; les femmes serrent dans des corsets, au point d'embarrasser le jeu de leurs organes, et même de déplacer les côtes. Les hommes, non contents de deux ou trois besoins réels, que la nature leur a imposés, s'en créent chaque jour de nouveaux, et épuisent tout leur génie à inventer de nouveaux moyens d'êtres pauvres et misérables...

(Voyage autour de mon jardin, page 168.)

Qu’ajouterions-nous de plus à ces éloquants arguments de l’auteur des Guêpes, en faver de l’exercice de la nature sur l’individu ?

Rien, assurément; car en peu de mots, ces lignes résument tout notre idéal.

Enry Zisly.