OPINIONS

Du jour où l’homme a été opprimé, il a cherché à s’affranchir; de ce jour datent: la Bourgeoisie et le Prolétariat; si l’homme cherchait déjà sa liberté, c’est bien dans l’espoir de la trouver; et ces grands mots: la Révolution est proche; La Bourgeoisie s’effondre; Le Soleil de Liberté pointe à l’horizon; — étaient déjà de la plus fraîche actualité. Il n’y a donc que les épithètes qui sont nouvelles: anarchistes, collectivistes, etc.

Pour peu que nous nous dégagions des principes de civilisation pour penser librement, nous nous apercevrions: qu’on ne se relève sans cess que pour mieux s’enfoncer; nous constaterions qu’il ne peut y avoir de liberté conditionnelle et relative.

Notre premier cri, en entrant dans la vie, est un désir de liberté, et nous nous rappelons les tourments et les inquiétudes de nos éducateurs, pour nous détourner de cet instinct; les corrections qui nous a été infligées; les monstres qui ont été imaginés; les supplices éternels qu’il a bien fallu devancer et réaliser, tant nos croyances étaient rebelles, pour nous inculper le respect de la propriété; sans résultat, car, ici le mot « respect » veut dire crainte…..

En réféchissant, on reconnaîtra que, si l’individu survit à cette mutilation, c’est encore dans l’illusion d’une liberté façonnée et compassée, qu’il ne réalise, du reste, jamais; mais, c’est pour atteindre ce but chimérique qu’il faut qu’il cherche constamment des dérivatifs fanatiques à ses croyances, et des fissures dans le code: c’est-à-dire qu’il ne peut se débattre dans la société civilisée, sans le mensonge, l’égoïsme, la cupidité, l’intrigue, la trahison.

L’horrible antagonisme auquel nous sommes condamnés, paralyse donc tout sentiment; et les mots: charité, probité, pitié, amour, etc., sont absolument faux, puisque nous ne possédons qu’au détriment de notre semblable, nous n’amassons qu’en dépouillant autrui.

Nous nions donc toute bonne qualité, pour n’admettre que la férocité mutuelle.

En civilisation: l’honnêteté consiste à dévorer son semblable sans se heurter à la loi.

– Il ne peut y avoir de liberté où il y a autorité. Au point de vue: civilisation, une autorité n’a de durée qu’autant qu’elle est absolue; — limitée, restreinte, conditionnelle elle n’est plus que matière à complots et révolution.

Mais l’association la plus anarchique exige une obligation, un devoir, une contrainte, impliquant (?immininement) une autorité avec son accessoire: prêtres, gendarmes, etc.

Est-ce bien une utopie ? ces collectivistes et autres libertaires qui veulent assimiler la liberté avec le progrès, régler, déterminer et imposer le travail ? Admettriez-vous que l’on vous dise: il n’y aura plus de soldats, nous serons tous généraux ! — Nous comprendrions mieux l’autorité absolue.

Nous sommes indiscutablement nés pour être libres, à condition de rester ou plutôt de rentrer dans la nature; mais nous ommes si imprégnés des préjugés de la civilisation, que, d’abord, nous ne voyons l’homme à l’état naturel qu’avec les défauts énoncés plus haut, qui ne sont et ne peuvent être qu’essentiels à cette civilisation.

La liberté est la raison d’être de la nature, dans tout ce qui est organique, et c’est en arrêtant les caprices de celle-ci que se sont déchaînés tous les maux dont souffre l’espèce humaine; la civilisation est une plaie que la Science ne fait qu’élargir, et dont le Progrès est la purulence.

Le principe de la Nature étant de produire et reproduire constamment, si nous l’arrêtons dans sa fermentation nous n’avons que putréfaction, c’est-à-dire: fièvres, syphylis, rage, etc. Ces conséquences seront du reste définies dans le courant de cette publication.

Il ne peut y avoir de raison pour que la nature facultative produise cela.

Il ne faut pas croire que la civilisation est la conséquence de notre intelligence, et que pour cette raison nous ne pouvons vivre comme les animaux doués d’un unique instinct; nous ne voyons, en civilisés que nous sommes, l’intelligence que comme moyen de perfectionner notre situation, sans nous apercevoir que c’est une balance, dont, en modifiant constamment les poids, nous espérons faire abaisser ensemble les deux plateaux.

Nous nous figurons avec effroi l’homme abandonné, perdu dans la nature sauvage; sans boulanger, sans médecin, sans becs de gaz, sans gibus, sans pince-nez, sans idiome, mangeant des racines; acculé à l’antropophagie.

L’antropophagie ? Mais — nous la trouvons dans la plus raffinée civilisation, et ils seraient gras les naturiens turcs qui auraient mangé trois cents mille Arméniens.

Indépendamment de ceux qu’elle mange tous les jours, c’est-à-dire: accidents de travail, le grisou, catastrophes de chemins de fer et de navigation, fièvres, suicides, inanition, fusillades, guillotine, etc., la Société est obligée d’organiser périodiquement des massacres généraux, qu’une autre langage on appelle: répression, défense de la Patrie….. sans compter les enfants, que, jusqu’à l’âge adulte, ne supportent pas la civilisation, dans la proportion de quatre-vingts pour cent.

Et nous sommes bourrés d’instruction, nous avons pâli dans les études pour en tirer ce raisonnement: c’est nécessaire il y aurait trop de monde, la nature n’a pas prévu cela.

A vrai dire, il ne reste, de l’immense nature, que ce que nous appelons la campagne; c’est-à-dire de petites places découpées cadastralement, dans lesquelles, moyennant force engrais, des privilégiés font pousser quelques plantes grasses ou farineuses. Car il y a longtemps que la couche naturelle végétale est jetée au vent, par le paysan qui cherche à grands coups de pioche, « à l’instar de l’alchimiste », la force initiale productive; il change de semences, il essaie des plants exotiques il n’obtient plus qu’un produit d’une durée éphémère…

Nous parlons de reboisement, et nous ne connaissons comme forêt que ces taillis enchevêtrés serrés, reliés d’épines et de ronces.

D’abord, c’était un coup désastreux porté à la nature, que de classer et catégoriser les végétaux, séparer et limiter la plaine et la forêt, les herbaces et les arbres.

Avant l’invasion romaine, la Gaule n’était qu’une immense forêt; on conçoit très bien qu’il n’ya avait pas de grandes forêts massées; il n’y avait que des arbres, dont l’envergure indépendante couvrait tout un coteau. Il en existe encore un ou deux en France, dont le tronc gigantesque émerveille le touriste, mais qui eussent été bien rachitiques à l’époque ou nous reportons. L’espace entre ces grands végétaux était évidemment large, et laissait l’air nécessaire aux herbacés et autres arbustes vivaces, nains ou grimpants. Si le lierre ou d’autres s’emparaient du tronc, la vigne se dirigeait directement sur les branches, pour aller exposer au soleil ses grappes qui, à cette époque, ne craignaient ni la gelée, ni la grêle, ni la chaleur, ni la phylloxera.

La plupart des herbacés, vivant autour de ces arbres, ont dû disparaître comme eux, ou plutôt ne sont plus considérés, vu leur extrème exiguïté, que comme plantes parasites ou nuisibles. Ils sont remplacés par des plantes d’importation, principalement des céréales,… ce qui fait dire qu’avant la civilisation romaine et chrétienne, l’homme ne se nourissait que de glands et de racines.

Mais laissons ce tableau rétrospectif, pour nous hâter de dire que, malgré le délabrement de notre sol, la nature reprend vite ses droits quand on cesse de lui faire obstacle. Le progr§s, quel qu’il soit, est la mutilation de la nature; par conséquent sa destruction est une tentative de suicide inconsciente dont l’agonie est toute une existence.

Abandonnons cette vie d’esclavage, de calculs, de projets, ces luttes de classes. Le progrès dans la nature sera la santé, la vigueur, la beauté, l’amour, le bonheur.

J. Moris

Chez la plupart de ceux qui ont admis ces théories, on entend ce prétexte, qui est assez civilisé: que les limites de la vie ne leur permettraient pas d’attendre des résultats. Nous dirons qu’aucun souffle, aucun atome, aucun fluide, ne peuvent s’ajouter à la nature, n’y s’en échapper, et, sans vouloir faire de la métempsycose, les animés, comme les autres organiques, se renouvellement constamment, sans la moindre modification naturelle, toutes les choses se corrompent et se pulvérisent, mais se reforment avec la même exactitude. Nous revivons constamment, sans retrouver ce que nous avons laissé antérieurement….. peut-être; mais nous ne pouvons que profiter d’une révolution qui améliorait la généralité.

J. M.