LE SEL

Richesse que la nature met à la disposition de l’homme.

L’eau de la mer constitue une source inépuisable de chlorure de sodium. La matière que l’on en extrait est nommée sel marin. En dehors de la mer, il y a aussi des eaux salées, de certains lacs et rivières, et le sel gemme est répandu sur toute la terre.

L’emploi du sel dans l’alimentation de l’homme à l’état sauvage est-il une nécessité ? « Non », puisque dans la nature toutes les eaux appelées douces contiennent du sel: les eaux de source en sont beaucoup plus chargées; de l’air au milieu duquel nous vivons contient du sel.

Parmi les poussières solides qui flottent dans l’atmosphère, il y a des parcelles de ce minéral, nous les respirons sans cesse, de même que nous buvons le sel dissous dans l’eau; les animaux et les végétaux dont nous nous alimentons, en contiennent également. Du reste, avant la pratique civilisé de la culture et du labeur qui a fait s’écouler à la mer la couche d’humus naturel, le sol primitif était saturé de la proportion de sel nécessaire à la saveur des végétaux.

Les aborigènes du centre de l’Afrique, qui ne consomment pas de sel, sont vigoureux et forts, mais leur nourriture est naturelle, c’est l’ambroisie même. Elle contient tous ces principes salutaires normalement dosifiés; ils sont en cela bien distincts des modernes civlisés qui ne mangent que des produits falsifiés ou dégénérés.

Inutile de faire l’historique du sel, qui est connu de tous; il est à constater qu’en tout temps les gouvernants en ont fait un élément de ressource et de spoliation. Le peuple, au moyen âge, fut écrasé par la gabelle, établie par Saint-Louis en 1246, et soi-disant abolie en 1789.

Il serait trop long d’énumérer les cruautés que le peuple eut à subir de la part des dirigeants pendant la durée de la gabelle; en revanche, ceux-ci furent passablement salés, sous Henri II: cinquante mille paysans insurgés refusèrent d’aller aux greniers à sel, massacrèrent les officiers de la gabelle et les gendarmes, s’emparèrent de Saintes, pillèrent Cognac et Ruffec, et brûlèrent les maisons des magistrats.

Tristan de Monneins, lieutenant du gouverneur de Guyenne, fut assomé, puis dépecé, et salé.

En 1675, quatorze paroisses du pays d’Armorique formèrent une association dont les status étaient désignés sous le nom de « Code paysan ». Il était défendu, sous peine d’être passé par la fourche, de donner retraite aux gens de gabelle, ou à leurs enfants, de leur fournir à manger, mais il est enjoint de tirer sur eux comme sur des chiens enragés; les prescriptions de ce code furent observées, et il ne fallut pas moins de 6 000 hommes des meilleures troupes pour « rétablir l’ordre ».

Les nobles et les curés ne payaient pas l’impôt des gabelles.

Les gouvernants ont donc toujours été maudits du peuple, et l’homme détruit avec joie ce qu’il a adoré avec crainte.

Depuis 1789 l’impôt du sel n’a jamais cessé d’être appliqué; si celui-ci a été diminué, en échange nos maîtres ont surchargé d’impôts tous les autres produits alimentaires, et la gabelle n’a jamais été aussi puissante qu’aujourd’hui.

La consommation du sel en France est environ de 4Kg par habitant et par année pour l’alimentation; à l’état sauvage le sel n’est pas employé comme engrais, la culture n’existant pas, ni dans l’industrie, non plus en thérapeutique, car les seuls remèdes seront les boissons naturelles embaumées des parfums de fleurs sauvages; encore moins comme antipatride, et l’on sait combien sont anti-naturelles les viandes de conserve.

Il sera donc facile aux habitants du centre des terres, puisque la culture civilisé les en a dépourvus, d’aller à la mer se procurer les 4 kilos de sel pour les besoins de leur alimentation, « ce qui est encore bien secondaire ».

Quand à ceux des côtes ils l’auront sur place, et certainement ils seront la pluralité; et plus favorisés pourront jouir des produits de la mer et de la terre. Et pour obtenir ces 4 kilos de sel, est-il indispensable d’user de la profession de paludier, des routes, des chemins de fer ? « Non », l’instinct seul donne à l’homme sa direction; pourvue de chevaux et de sacs ou paniers faits de peaux de vache ou autre pour sa provision, la population des centres effectuerait un départ en nombre, elle se rendrait à la mer aussi pour s’y baigner; le voyage donnerait la joie de contempler la beauté des sites des régions traversées; les naturels de la « montagne des chataîgniers, » et ceux de « la vallée des abeilles » seraient les bienvenus de leurs camarades de la côte, qui leur offriraient le sel. Chacun du reste pourrait se le procurer soi-même, et comment ? Par la méthode si facile de Georges Agricola1 qui est l’expression même de l’instinct chez l’homme; pendant cette période à la côte, ce serait la fête du sel; après ce doux jour, et de retour à la montagne et la vallée, on aurait, avec la santé, le souvenir de l’heureux voyage accompli.

Quant aux mines de sel de gemme, vu le danger qu’elles présentent, elles seraient abandonnées.

La voilà donc écartée la difficulté présentée pour la libre possession de ce produit de la nature, et d’où provient de même que pour ses autres produits, cette chaîne de maux dont nous souffrons du fait de l’autorité, de la propriété individuelle, des religions, et de l’artificiel.

Arrière donc les violenteurs de la nature, les insulins partisans de la science artificielle.

Arrière les zététiques, et les mystificateurs, ceux qui consacrent les absurdités du « sal sapieniæ », — et vous, gouvernants barbares, bandits en cour civilisateurs par dum-dum, qui n’avez fait que mettre du plomb dans la cervelle des hommes, vos crimes, vos horreurs vont finir; vos esclaves se dressent, ils deviennent de plus en plus violateurs, et le mode moderne s’écroule, il en est temps pour l’humanité et pour vous, car la voie que vous parcourez donne à croire qu’il ne vous reste de votre cerveau que juste la pie-mère.

Malgré tout et contre vous, l’avenir c’est la palingénésie humaine, ou la terre deviendra le séjour des bienheureux, des vrais salsus, — et de cette renaissance originelle découlera le paradigine.

Vive la Nature !

Alfred Marné.

  1. Georges Agricola, Traité de « de Re metallica ».