EFFETS ÉPOUVANTABLES DU TRAVAIL FORCÉ
En entreprenant de tracer ici le tableau des résultats qu’a produits la Civilisation en astreignant l’homme au travail forcé, et l’exposé successif des faits déterminés par les conséquences des organisations hiérarchiques antérieures qui ont enfanté les gouvernements sous lesquels les peuples courbent continuellement l’échine, et sont de par ces organisation autoritaires obligés de peiner et souffrir, afin que trônes et autels continuent à exercer leur suprématie usurpée, je suis tenu à des descriptions plus brèves qu’il ne conviendrait; car il faudrait écrire des volumes, pour étaler sous les yeux du lecteur la description des innombrables maladies qui sont nées de la déviation de l’homme à l’existence normale dont l’avait favorisé la nature.
Néanmoins, je m’efforcerai d’exposer le plus nettement possible les sujets que j’aurai à traiter et à décrire dans ces colonnes, sujets qui nécessiteront un grand développement.
Je débuterai par appeler l’attention sur les règlements qu’ont simulés les fabricants de lois, relativement au travail de l’homme dès l’enfance dans les mines, les manufactures, usines, etc., car je crois intéressant de faire remarquer quel bonheur l’homme trouve dans la Civilisation, en débutant dès son plus bas âge dans les bagnes miniers et industriels.
Les quelques articles de règlements que je vais citer à ce sujet ne laisseront aucun doute au lecteur sur leur fond jésuitique et criminel; car si les gouvernements de différents pays ont établi des lois soi-disant protectrices de l’enfance, c’est dans le seul but que gouvernants, comme manufacturiers ou industriels, puissent s’assurer la pourvoyance permanente et nécessaire des esclaves qu’ils doivent ensevelir dans les géhennes que chacun de ces Minotaures ont créées; et comment considérer que ces règlements puissent véritablement protéger l’enfance; il faut être absolument naïf pour y croire;
Est-ce qu’un enfant de douze ans peut être apte et reconnu bon pour descendre à 7 ou 800 mètres sous terre pour en extraire le minerai, lorsque des hommes de 25 à 30 ans y contractent des rhumatismes, affections de bronches, etc. ? Si la legislation française a décrété de telles stupidités, c’est parce qu’elle a eu plus de roublardise que ses congénères voisines (en Espagne, les enfants de 6 à 7 ans fourmillent au fond des mines), jugeant que si les enfants descendaient plus jeunes dans les mines, ou s’ils travaillaient dans les fabriques de phosphore, d’arséniate de potasse, de cendres gravelées, d’acide chlorhydrique, d’acide arsénique, d’acide muriatique, d’acide nitrique, d’acide oxalique, d’affinages de l’or et de l’argent, dans la céruse ou blanc de plomb, dans le décrochage du cuivre, dans la fabrication du chlore, du chlorure de chaux, dans le prussiate rouge de potasse, dans la fonte et laminage du plomb, dans le litharge, dans le massicot, dans le minimum, dans le nitrate de fer, dans la nitrobenzine aniline et matières dérivant de la benzine, dans le rouge de prusse, dans le chromate de potasse, dans le fulminate de mercure, dans le sulfate de peroxyde de fer, par le protoxyde de fer ou couperose verte, par l’action de l’acide sulfurique sur la feraille, dans le sulfure de carbone, etc., etc., ils encombreraient leurs hôpitaux, périraient ou manqueraient de force pour se rendre à la boucherie à l’âge voulu.
Mais si les enfants de douze ans ne sont pas admis dans les genres d’abattoirs ci-dessus, ils ne tardent pas pour cela à y entrer, car quatre ans plus tard (à 16 ans), on leur en ouvre les portes, les bouchers (genre oderne et scientifique) les ont préservés momentanément pour leur donner plus d’endurance; ces pères des ouvriers désirent prolonger leur rendement le plus longtemps possible, et ils peuvent espérer se servir de leurs bêtes de somme pendant encore douze à quinze ans; ensuite ils les envoient se faire disséquer ailleurs; c’est ainsi qu’aux quatre coins d’un pays civilisé (le nôtre par exepl) l’on rencontre des hommes usés avant l’âge, traînant leur affreuse misère, échouant soit au coin d’une borne, à la morgue, et ceux-là sont privilégiés qui peuvent s’éteindre de leurs dernières convulsions sur un lit d’hôpital.
Mais que l’on ne pense pas que si les enfants de douze ans sont éloignés des usines et fabriques que je viens de citer, ils ne sont pas acceptés dans d’autres non moins dangereuses; mais toujours dans les principes jésuitiques, les capitalistes s’arrangent de façon à leur interdire ce travail, et en même temps à les accepter.
Voici comment. Il est donc accepté en principe que ces enfants ne doivent être employés dans la fabrication des allumettes, du superphophate de chaux, dans les pulvérisations et blutages du soufre, dans les fours à chaux, à plâtre, à ciment, dans les fours de pouzzolane artificielle, dans les fabriques de faïence, de manufacture des terres émaillées, des verreries, cristalleries, de glace, de boutons à la mécanique, des tôles et métaux vernis, des toiles teintes de teinturerie, dans les fabriques de coton, de soie, d’impressions sur étoffes, blanchiment des toiles, filatures à coton, teillage et rouissage du chanvre, dans le chanvre imperméable, manufactures de tabac, etc., etc. Mais voici où est le dérivatif; c’est-à-dire qu’il y a des conditions, car dans toutes les fabrications que je viens de citer les enfants sont employés, mais dans l’une il leur est interfit les locaux où l’on fond la pâte, où l’on trempe les allumettes; dans un autre, les locaux où se dégagent le chlore et l’acide sulfureux pour le blanchiment des tapis, dans un autre, où s’opère le broyage, le tamisage du plâtre ou de la chaux, du ciment, puis encore où se dégagent des poussières de différentes sortes et où s’évaporent des matières toxiques, etc., etc. Toutes ces conditions sont donc de la fumisterie, puisque l’atmosphère ambiante d’une usine et celle de tous les locaux d’une fabrique en sont saturés, elle ne peut donc être qu’empoisonnée; donc, que les enfants soient dispensés de pénétrer dans les uns, ils n’en sont pas moins intoxiqués dans ceux qui leur sont contigus, et qui plus est, ces conditions n’existent le plus souvent que pour la forme.
Enfin, je ne m’étendrai pas davantage sur ce trompe-l’œil de nos honorables boursicotiers de tous genres; je continuerai par l’exposé de quelques articles hypocrites contenu dans le Dictionnaire des Lois sur cette fameuse interdiction de l’enfance dans les bagnes à poisons, ensuite je traiterai des maladies déterminées par les professions diverses, qui me sembleront les plus intéressantes, depuis les intoxications par le mercure, le plomb, le phosphore, l’arsenic, etc., etc., jusqu’aux maladies et infirmités que les médecins ont reconnues chez les cordonniers, tisserands, brossiers, mineurs, boulangers, cuisiniers, peintres, fondeurs, cardeurs, forgerons, cultivateurs, terrassiers, pêcheurs, navigateurs au long cours, etc., etc. En terminant, j’exposerai comment l’homme, en se livrant au travail forcé, a fait germer les maladies effroyables qui ravagent en bloc à certains moments l’humanité, telles que le choléra, lèpres, ulcères, et différentes fièvres, maladies que les fanatiques religieux nomment les fléaux de Dieu, et les fanatiques scientifiques les fléaux de la Nature.
(A suivre.)
Honoré BIGOT.