HORREURS
de la Science du Progrès et de l’Industrie
(Voir Civilisation).
De par la – Science – l’homme a fouillé les entrailles de la terre, a fait sortir de ces excavations des exhalaisons qui empoisonnent l’atmosphère, en extirpant le charbon, le minerai de cuivre, de fer, etc; la chimie à fait ses dédoublements des différents toxiques et ses alliages de plomb, mercure, platine accompagnés de la fusion de l’or et de l’argent, etc.
Par l’aspiration à un soi-disant – Progrès – il s’est créé un travail forcé qui l’a conduit à perfectionner au milieu des dangers les plus grands, des objets luxueux et inutiles, qui ont annihilé ses volontés, lui ont enlevé ses énergies génériques; il est devenu rapidement la brute civilisée qui a formé le barbare – tel qu’on l’entend en langage civilisé. – Pétri d’arrogance, orgueilleux, exposant sa répugnance vis-à-vis des êtres humains qui sont encore dans leur état naturel et qu’il poursuit constamment de son œuvre d’extermination.
De par – l’Industrie – il s’est livré avec acharnement à la construction d’énormes édifices, de machines meurtrières, de vaisseaux monstres, d’engins destructeurs.
Il sanctionne par leur usage tous ces résultats obtenus au nom du Progrès et de la Science – de la CIVILISATION – en traînant sans cesse sur les mers ses noirs vaisseaux continuellement à la recherche de nouvelles aventures pour les plus grands bienfaits de cette Science et de l’Industrie, mettant à profit tout ce que lui procure cette même science en pénétrant dans des contrées neuves dont les habitants n’ont encore subi aucune contamination de la Civilisation; les massacrant, puis s’installant à leur place, y construisant des bagnes et faisant germer les maladies diverses par les déboisements, les excavations de mines, l’ouverture de baies, contraignant ainsi au bout du fusil ou à portée de canon le peu d’habitants qui échappent aux massacres, à se dégénérer, souffrir et s’anéantir dans les usines que des monstres civilisateurs ont créés, monstres que la Civilisation a faite à son image.
Appuyés par les gouvernants, cest êtres dénaturés dévastent en peu de temps les régions qu’ils ont usurpées.
L’insatiable férocité des usurpateurs détermine des haines qui font fomenter des révoltes, les premiers germes de liberté résidant encore génériquement dans la nature de l’homme – comme elle existe chez tous les êtres de la création – decenu esclave, fermaentent à nouveau, puis violemment ces germes font éclore des colères qui se déchaînent en révoltes contre les brutes devenues tyrans de toutes formes. Les torchons nationaux qui flottent sur les repaires des monstres civilisés sont mis en lambeaux par les révoltés.
Ici c’est une île, Cuba; là un groupe d’autres îles, les Philippines; ailleurs Madagascar, le Tonkin, ou encore un des plus beaux pays du monde: les Indes. Partout la torture, la faim, la famine, la peste, doux produits des Civilisations.
Les finances nationales sont dilapidées, la vie factice des peuples qui se sont laissé entraîner à l’artificiel pour l’entretien de leur existence.
Les vociférations des civilisés prolétaires bourgeois et nobles s’allient ensemble, et l’excitation de ces peuples parqués comme des bêtes de somme, est portée à son comble; les uns veulent l’anéantissement des autres; au sein même de plusieurs puissances, des révoltés ne pouvant se résigner à supporter plus longtemps une situation qui les conduit à la mort sèche, appellent de toutes leurs forces à l’insurrection.
Les monarques, empereurs, présidents de Républiques que se sont donné les peuples, opèrent avec la facilité et la rapidité que leur permet le Progrès et l’Industrie, les invoquant pour le salut de la société, déclarant le pays en danger, la vie des habitants menacée.
Mais ce n’en est pas moins la misère pour le grand nombre, ce sont les effets des Civilisations antiques et modernes qui se font sentir. L’homme va-t-il enfin pouvoir le comprendre ? Non ! pas encore, son avachissement d’une par et son fanatisme religieux et scientifique de l’autre obstrue son côté clairvoyant et primitif, rabougrit les cellules de son cerveau où pourrait encore subsister ses instincts naturels et, en un mot, lui voile les yeux.
Ne le comprendra-t-il que lorsque tous les scientifiques, les puissants de ce monde auront entièrement détruit la richesse naturelle de la terre, que la faim aura couché dans la mort des millions d’êtres humains.
ALORS ! alors il sera trop tard. Et pendant cet avachissement, les puissants continuent à faire glisser sur les mers leurs énormes vaisseaux, beaux résultats miraculeux du trrrravail et des trrrravailleurs, ces vaisseaux à l’aspect monstrueux et menaçants, chargés des produits magnifiques de la Science et du Progrès; cabines avec instruments d’adaptation aux câbles téléphoniques et télégraphiques, projections et éclairage à la lumière électrique, canons à longue portée, fusils à répétition, mitraille, torpilles, projectiles aux éclats à la seconde, à la tierce; les sciences mathématiques sont là; obus à la ménilite, à dynamite, à pétrole, balle dumdum, rien ne manque, les progrès scientifiques sont adaptés, avec toutes leur ressources, ainsi qu’avec toute leur criminalité issue du Progrès civilisateur.
Soyez enthousiasmes, civilisés, vos travaux et vos œuvres se trouvent couronnés de succès; depuis longtemps vous trouviez insuffisant de tuer ceux que vous nommez orgueilleusement – des sauvages –.
En effet, sauvages, ils le sont, car ils sont naturels; mais soyez donc à l’avenir plus conséquents avec vous-même et lorsque des actes de barbarie ont lieu en pays civilisé ne dites donc pas, « un acte de sauvagerie vient d’avoir lieu ou d’être commis » mais bien « un acte de civiliserie »; il est vrai que lorsqu’on est dénaturé, on ne peut faire autrement, en parlé, en écrit ou en actes que de se prononcer ou agir en ce sens.
Et dans l’état de délabrement, on apprête les armées de terre les chevaux et les hommes; cavalerie et piétons vont entrer en branle; déjà le carnage, l’incendie, la mort font leur œuvre.
Les monstres sanguinaires ont mis le feu aux poudres, des résultats scientifiques s’opèrent; correspondances spontanées à longues distances, crachement d’obus détruisant et mettant le feu au loin; les machines formidables qui mettent en mouvement les lourds vaisseaux dont les ingénieurs se sont assurés la résistance font explosion, faisant éclater de toutes parts ces navires qu’elles promènent, broyant bras et jambes, réduisant corps et têtes en bouillie, des êtres humains qui les montent.
Q’importe: LA CIVILISATION montre sa force ! Et un pays veut en civiliser un autre. Puis des civilisés de différentes puissances s’obstinant à ne pas vouloir mourir de force par la faim, pour apaiser leurs souffrances, pillent les boulangeries, détruisent les magasins remplis d’effets, d’objets, d’articles artificiels que ces mêmes civilisés ont peiné à fabriquer; brûlent les archives de leurs pays, accrochent les têtes de leurs affameurs et crient à plein poumons: Vengeance ! vengeance ! révolution.
Dans ces heures d’angoisse et d’allégresse farouche, d’hésitation et de résolution, est-ce le civilisé lancé contre les erreurs sociales gouvernementales et civilisatrices qui veut faire peau neuve; de la brute formée, depuis des milliers d’années de civilisation, devenu esclave, voulant sortir de cette peau dégénérée par l’artificiel pour se refaire au naturel, sinon, n’anmoins, ce pourrait être un début; car tôt ou tard il lui faudra bien en revenir à cet état naturel.
Mais pendant cette situation des esprits, les grouvernants prennent leurs dispositions pour ensanglanter la terre entière, il y a quelques années qu’ils y travaillent; ils vont enfin y parvenir; et la guerre gouvernementale entre puissances va fatalement amener successivement chacune de ces puissances à voir se déchaîner en leur intérieur, la Révolution. Les banqueroutes guettent les puissances, la ruine est leur apothéose. Les peuples sont de par ces effets menacés des souffrances de la disette; ce qui nous fait percevoir en des temps proches, Guerres nationales sur tout la terre et Révolution universelle.
Ce sera le résultat qu’auront recueilli les hommes de s’être livrés à l’artificiel; les civilisations n’ont jamais cessé de faire naître des intentions sanguinaires, et ce cette fois, la surface du globe, mers comme terre, va se trouver entièrement à fau et à sang; le plus beau chef-d’œuvre de la CIVILISATION à travers les siècles.
Honoré Bigot.