L’Hostilité Fictive et la Bienfaisance Virtuelle de la Terre
(prose sur un motif favori)
Aux amis, Bigot, Gravelle, Rapellin.
L’homme ne peut capter impunément les grandes forces de la Nature.
En dérangeant l’ordre naturel des choses, nous avons perturbé la vie naturelle des êtres. Nous avons enrayé les bienfaits de la Nature et l’avons rendue hostile en la maltraitant.
Par l’avsurdité de nos actes, nous avons appelé la malédiction du ciel et de la terre et depuis, nous subissons les tourments infernaux.
Nous avons déchaîné le courroux du feu, de l’onde et du vent. Puis, contraints à lutter contre eux par notre faute, nous avons résisté aux efforts furieux des éléments coalisés contre nous, en nous épuisant sans profit. Notre instinct s’est dévoyé et les maux épidémiques nous ont décimés sans miséricorde, et les temps calamiteux ont troublé notre paix, punissant pour toujours notre ignorance orgueilleuse. Et maintenant, les porte-fléaux du destin, les microbes impitoyables. (Successeurs présumés de l’homme) envahissent nos organes aisément et complètent ainsi l’œuvre fatale, l’œuvre de destruction, le châtiment cruel !
Evitant parfois pour un temps très court, par un travail opiniâtre, les représailles sanglantes des trois éléments terrifiants, mais ne les subjugant jamais; vivant désormais dans la douleur et les transes, craignant toujours le moindre mouvement, le simple jeu de ces incommensurables et sublimes forces associées, nous dégénérons et souffrons…
Imitons « l’Enfant Prodigue »: revenons vers la Nature souriants et aimants, elle nous accordera son Pardon car elle n’est pas vindicative étant la vraie puissance; elle est clémente et magnanime quand on ne la combat plus ? il dépend donc de nous d’en faire une mère généreuse et nourricière au lieu d’une gueuse tortionnaire et affamante, d’une marâtre involontaire en saccageant ses biens… Son hostilité est passagère et sa bienfaisance éternelle.
Prodiguons-lui nos soins. Ayons pour elle un amour filial et ses charmes reparaîtront alor, et l’angoisse ne pâlira plus nos visages émaciés et la tristesse ne ridera plus nos fronts soucieux; la haine abandonnera notre cœur et nous n’auront plus la méchante attitude combattive. A son contact, la race humaine étique et débile, maladive et sénile se rénovera, se guérira, se virilisera: nous aurons la beauté physique et morale et nos concepts et nos actes seront purs et harmonieux comme la pureté harmonieuse de nos formes. Le savoir et la force s’épanouiront en nous, vivaces, semblables à des fleurs sylvestres fragrantes et majestueuses, toujours plus fraîches, plus odorantes et plus belles après l’orage.
Les forces ennemies redevenues des forces amies, la Terre et l’Humanité régénérées, nous vivrons désormais dans la paix, dans l’abondance.
Spirus-Gay.
Paris, 1890, au retour d’un voyage en France.