Lettre d’un cultivateur
Nous recevons de notre ami Victor Braud, cultivateurs à Puget-Ville une lettre dont nous extrayons les passages suivants:
Vous me demandez quelle est mon opinion sur le projet de fonder une colonie naturienne. Je trouve l’idée excellente. Premièrement, elle nous permettra de démontrer que les hommes peuvent vivre en bonne harmonie sans se soumettre à aucune autorité; deuxièmement, elle nous permettra de rpouver que la vie à l’état naturel vaut beaucoup mieux que toute cette civilisation en voie de décomposition.
Ai-je besoin de vous dire que je reconnais fort bien que le sol a perdu sa fertilité ? Les travailleurs des champs constatent chaque jour que malgré tous leurs efforts et tout leur travail, il ne marchent que de déceptions en déceptions. Des maladies nouvelles surgissent chaque jour et s’abattent sur les plantes que nous cultivons. Les diverses maladies qui ravagent nos vignobles sont bientôt oubliées, car il nou restait encore l’olivier et cette ressource va bientôt nous échapper. Cet arbre menace de disparaître à brève échéance: dans le territoire de Puget-Ville, on a arraché au bas mot plus de trente mille pieds d’oliviers sans compter qu’actuellement il y en a au moins vingt-cinq mille complètement atteints d’une maladie inconnue. Les scientifiques ont fait appel aux lumières de leurs grands manitous, ceux-ci ont découvert une chenille qu’ils vont baptiser d’un nom quelconque et ce sera tout. Ont-ils trouvé le remède contre le phylloxéra.
Demain, lorsque l’olivier aura disparu, sur notre sol nous essaierons de faire pousser le blé. C’est ainsi que le travailleur des champs lutte depuis des siècles et est arrivé finalement à posséder un sol appauvri et incapable de produire alors que la fertilité du sol de notre climat était partout vantée. L’homme est l’artisan de sa propre misère.
Grâce aux fameux progrès scientifiques, la santé de l’homme est délabrée; pour la reconstituer les scientifiques recommandent l’empoi d’un tas de poisons connus sous le nom de préparations pharmaceutiques; et c’est par des préparations chimiques analogues qu’ils voudraient rendre au sol sa fertilité primitive. Tout cela est faux. La terre ne reviendra fertile que lorsque la Nature aura repris ses droits, lorsque l’homme aura abandonné la culture; de même l’homme ne retrouvera sa vigueur, sa force primitive que par la disparition de ce qu’on nomme le progrès scientifique, cause première de tous ses maux.