EFFETS ÉPOUVANTABLES DU TRAVAIL FORCÉ
(suite)
(Article 7). – « Aucun enfant ne peut être admis dans les travaux soutettains des mines, minières et carrières avant l’âge de douze ans révolus. – Les filles et femmes ne peuvent être admises dans ces travaux. – Les conditions spéciales du travail des enfants de douze à seize ans dans les galeries souterraines seront déterminées par des règlements de l’administration publique. »
Suit la description aussi stupide que peu intéressante de ces purs règlements où il est expliqué qu’un enfant ne sera pas reçu pour les travaux de mines cités ci-dessus, si ses parents ou tuteurs ne justifient qu’il fréquente une école publique ou privée, et que tout enfant admis au travail avant douze ans, devra pendant les intervalles libres, fréquenter l’école. – Sortant d’être à moitié exténué par le travail avant douze ans, il faut que l’enfant pendant le peu d’intervalles qu’il peut avoir en dehors du travail pour reposer son jeune intelligence, pour reprendre aussitôt les leçons étudiées le chemin de son calvaire. Pauvre jeunesse ! pauvre humanité !
Ensuite il est question dans les fameux règlements d’administration publique de certificats délivrés par l’instituteur pour les enfants de quinze ans, puis d’un livret ou sera inscrit ses nom et prénoms, la date et le lieu de sa naissance, son domicile, etc., que le chef d’industrie ait un registre pour inscrire la date de l’entrée ou la sortie des jeunes forçats, enfin tout ce qui constitue en un mot la matriculation des entrants aux bagnes.
Ensuite se présente l’Article 13 (un mauvais chiffre pour les superstitieux) aussi jésuitiquement que ses devanciers puisqu’il est toujours question de conditions spéciales de règlements d’administration publique: donc, toujours, je te repousse, et je t’admets tout de même.
(Art. 13) – « Les enfants ne pourront être employés dans les fabriques et ateliers indiqués au tableau officiel des établissements insalubres ou dangereux, que sous les conditions spéciales déterminées par un règlement d’administration publique. – Cette interdiction sera généralement appliquée à toutes les opérations où l’ouvrier est exposé à des manipulations ou à des émanations préjudiciables à sa santé. – En attendant la publication de ce règlement, il est interdit d’employer les enfants âgés de moins de seize ans: – 1e dans les ateliers où l’on manipule des matières explosibles et dans ceux où l’on fabrique des mélanges détonants, tels que poudre, fulminates, etc., ou tous autres éclatant par le choc ou par le contact d’un corps enflammé; – 2e dans les ateliers destinés à la préparation, à la distillation ou à la manipulation de substances corrosives, vénémeuses et de celles qui dégagent des gaz délétères ou explosibles. – La même interdiction s’applique aux travaux dangereux ou malsains, tels que: – l’aiguisage ou le polissage à sec des objets en métal et des vers ou cristaux: – le battage ou grattage à sec des plombs carbonatés, dans les fabriques de céruse: – le grattage à sec d’émaux à base d’oxide de plomb, dans les fabriques de verre, dit de mousseline; l’étamage au mercure des glaces: – la dorure au mercure. »
Les législateurs ou pour mieux dire les maîtres des bagnes miniers ou industriels, puisque les trois quarts et la moitié de l’autre quart de nos sénateurs et députés sont propriétaires de mines ou d’une usine, manufactures, fabriques, etc., ou tout au moins, actionnaires, c’est donc eux-mêmes qui prennent la satisfaction de jongler à volonté avec ces jeunes vies humaines en attendant qu’arrivées à l’âge adulte il puisse non plus jongler avec, mais les piétiner, les empoisonner, les assommer à volonté. Le lecteur croyait en lisant l’article 13 que des industries ou les travaux sont malsains, mais ou des jeunes hommes à partir de seize ans, peuvent s’intoxiquer, attaquer pour toujours leur organisme, que peut-être une bien minime surveillance pourrait éviter des jeunes enfants de dix ans de ressentir les terribles effets de matières qui s’échappent de différentes fabrications dont les compositions employées comme matières premières sont dangeureusement toxiques: eh bien ! non, nos nourrissons à vingt-cinq francs par jour, plus les petits suppléments, n’aiment pas que l’on pense qu’ils gaspillent leur temps. Aussi s’en acquittent-il comme le lecteur va pouvoir s’en rendre compte par ces deux autres articles.
Le décret du 27 mars 1875 porte règlement d’administration publique pour l’exécution de l’article 2 de la loi ci-dessus du 19 mai 1874, relative au travail des enfants dans les manufactures, (industries dans lesquelles les enfants de dix à douze ans peuvent être employés.)
(Art. 1er) – « La durée du travail effectif des enfants du sexe masculin de douze à seize ans dans les galeries souterraines des mines, minières et carrières ne peut excéder huit heures sur vinth-quatre heures coupés par un repose d’une heure au moins. »
Suivent plusieurs articles analogues, l’un où il est défendu que des enfants de douze ) quatorze ans ne portent sur la tête des fardeaux de plus de 10 kilogrammes ainsi que des enfants de quatorze ) seize ans ne doivent pas trainer des charges de plus de 75 à 130 kilogrammes, enfin des articles tous plus hypocrites les uns que les autres, puisque c’est aux yeux de toute personne qui veut bien s’en rendre compte que des enfants portent des fardeaux écrasants, et trainent continuellement des charges qui arrivent jusqu’à 500 et 600 kilogrammes.
J’en connais un, à Paris, qui a douze ans et demi, et qui traine tous les jours sur le pavé de la capitale une voiture chargée de carton dont le poids est en moyenne de 350 à 400 kilogrammes et à la fin de sa journée est obligé de remonter sa voiture (à vide) sur le haut de Belleville, et il y en a beaucoup comme celui-ci, ainsi que des enfants qui tombent sous des fardeaux de 35 à 40 kilogrammes, est-ce que tout cela n’est pas admis ? Voit-on une surveillance exercée à ce sujet ? Non ! il vient d’être alloué au sergent de ville une prime à ce sujet, à quoi bon ! ils trouvent qu’ils ont bien assez de fatigue sans cela, car, la nuit, ils sont obligés de passer leur temps en compagnie de filles de joie et de souteneurs, puis dans le jour, les mains derrière le dos, ils se plantent comme des cierges devant les devantures des magasins; une poursuite a lieu, c’est qu’elle est sortie de la haine d’un civilisé pour un autre qui s’est fait délateur, mais autrement tout cela n’est que pur escamotage; d’ailleurs la société ne serait pas capable de rester vingt-quatre heures debout si tous ce procédés n’existaient pas. Donc les gredins qui se rengorgent et font la sieste dans les fauteuils du Palais-Bourbon du Luxembourg savent très bien mettre à profit les heures de douceur et de plaisir que leur offrent la Politique conçue et établie aux frais des hommes ahuris et abrutis par les principes civilisateurs.
H. B.
(A suivre.)